Quand et comment utiliser la technique BAT dans l’école des chiots?

Ecrite par Carly LOYER, traduit par Zita NAGY

BAT : behaviour adjustement training/ entrainement par ajustement de comportement, développé par Grisha STEWART

Tous les éducateurs qui se sont déjà occupées de cours d’école de chiots savent à quel point les chiots de 8 semaines peuvent être différents au niveau de la sociabilité et de la confiance. Nous trouvons des petits monstres du style « tout le monde est mon meilleur ami, allons se mordiller tous ensemble » mais également des chiots qui sont traumatisés par la simple idée de devoir interagir avec un congénère ou une personne inconnue. Ces dernières « petits fleurs » hyper sensibles ont énormément besoin de développer leur confidence et leurs capacités sociales. De plus c’est eux qui risquent le plus de vivre un traumatisme qui marquera leur comportement sur le long terme si une expérience négative leur arrive.

Avec cette information en tête j’ai commencé à mettre en place de plus en plus souvent la technique BAT pendant mes cours pour chiots, et cela avec beaucoup de succès. Dans cet article je vous parlerai des avantages et inconvénients de deux techniques couramment utilisées pour sociabiliser les chiots : celui de « je participe à fond et je suis heureux », et puis le BAT, tous les deux très importants et utiles pour les éducateurs.

Quand je dis « je participe à fond et je suis heureux », je parle de tout l’effort que le maitre donne pour convaincre son chiot un peu sceptique que l’expérience qu’ils sont en train de vivre est positif. Nous pouvons le faire en utilisant les friandises, les jouets, en jouant avec le petit, et en utilisant le « langage joyeux » (vous savez, quand le propriétaire utilise une intonation très aigue limite insupportable pour montrer son enthousiasme et encourager le chiot) qui peut effectivement aider le chiot à surmonter sa peur, et en même temps ce langage peut également servir de récompense. C’est ce qu’on appelle l’encouragement actif.

Au contraire, dans une situation de BAT, le propriétaire doit définir ce qui serait considéré comme un succès et se contenter de réaliser l’étape qui précède ce succès. Le maitre va mettre tout son effort pour ne pas changer l’état émotionnel de son chien d’une façon directe. En même temps il doit tout faire pour assurer que l’environnement soit sécurisé pour que le jeune chien puisse l’explorer à son rythme. Par exemple pendant un de mes cours je demandais un maitre d’enlever la laisse de son chiot, puis de se mettre assis ou de suivre tranquillement son chien s’il se déplace. Je l’ai encouragé à s’allonger par terre et faire des câlins à son chien si celui çi se retournait vers le maitre, mais l’exercice n’était pas d’essayer d’obtenir l’attention de son chien. Il fallait simplement le suivre.

Il est vrai que ces deux techniques sont respectueuses et positives envers le chien, mais elles demandent un comportement très diffèrent de la part du propriétaire. Le choix entre les deux dépend largement de la situation (même si j’ai tendance à plutôt choisir le BAT). Nous trouvons des avantages bien précis en utilisant la technique « je participe à fond et je suis heureux ». Les maitres ont le sentiment d’effectivement FAIRE quelque chose, et ils sont largement renforcés pour s’engager encore plus dans le jeu quand le chiot fait des progrès. Ce type de travail peut également créer des anticipations joyeuses de situations pour lesquelles il était utilisé, et si ça marche, nous changeons très rapidement le comportement de l’animal : le chiot peureux devient très vite super enthousiaste.

Il existe cependant des désavantages à utiliser uniquement cette technique. Le plus grand challenge reste pour le propriétaire et sa capacité à suivre nos conseils. C’est déjà assez compliqué d’expliquer aux gens quand est-ce qu’il faut clicker et récompenser pendant l’apprentissage de la position « assis ». Alors quand il s’agit de bien choisir le bon moment pendant les interactions sociales, c’est un autre niveau !

Prenons l’exemple d’un chiot peureux. Pendant les moments de jeu, est-ce qu’on doit clicker quand le chiot va enfin commencer à interagir avec des autres ? Ca va simplement interrompre le jeu ! En plus, si nous donnons une friandise, qu’est-ce qu’on va faire avec les autres chiots qui vont arriver avec le nôtre, en suivant les odeurs fortes intéressantes ? Qu’est-ce qu’on fait si la présence d’une ressource (nourriture) déclenche une bagarre ?

Il est possible que la plupart des éducateurs savent quand il faut récompenser et quand il vaut mieux laisser les évènements se dérouler d’eux même. Aussi, nous savons probablement quand et comment donner la friandise. Mais je trouve que c’est pratiquement impossible, en tant qu’éducateur, de surveiller 9 chiots pendant leur jeu et en même temps de donner la bonne information aux maitres par rapport à comment et quand récompenser dans une telle situation. Le résultat ? Les renforcements donnés aux mauvais moments ce qui perturbe les chiens et peut provoquer l’anxiété, ou au pire, les conduites agressives.

Un autre inconvénient de la technique du « je participe à fond et je suis heureux » est que nous pouvons convaincre notre chiot à participer à des interactions pour lesquelles il n’est pas encore prêt. Cela va générer des émotions contradictoires et du stress dans la situation où notre but est le contraire ; notamment quand notre chiot n’y réagit pas ! Si j’arrive à faire venir avec moi le chiot peureux grâce à une friandise dans ma main, et je me mets à proximité de trois autres jeunes en train de jouer, il est forte probable que les trois vont se jeter sur l’individu peureux pour lui dire bonjour. Même si j’arrive à intervenir à temps, le chiot peureux va quand même ressentir une peur et donc dans le futur il risque d’avoir moins de confiance en moi, et il va être encore plus prudent dans une situation qui peut ressembler à celle qu’il vient de vivre.

C’est là où la technique BAT est vraiment idéal. Le but pour le propriétaire est de faire en sorte que l’environnement soit sécurisé et qu’aucune mauvaise surprise risquant de stresser le chiot ne puisse se faire. Cela permet au chiot d’explorer son environnement comme il le veut et d’apprende naturellement que l’exploration n’a rien de dangereux et que l’environnement et les autres chiens sont intéressants et amusants. Dans une situation formelle de BAT l’environnement est choisi avec beaucoup de précaution en identifiant les issues de secours. Nous allons utiliser la laisse d’une façon non-intrusif, c’est-à-dire sans blocage brusque mais en assurant que le chien ne se trouve pas plus proche de la source de sa peur qu’une distance qu’il arrive à tolérer sans réaction.

Pendant notre cours pour chiots au centre d’éducation « Ahimsa Dog Training » à Seattle, nous avons utilisé les laisses élastiques, les barrières à bébé et le grillage pour mettre en place un environnement qui respecte au maximum les chiots peureux et réactifs. Ils peuvent donc profiter de la liberté sans intervention humaine, ce qui est la base de philosophie de BAT. Nous cherchons un encouragement maximal pour l’apprenti avec un minimum d’intrusion.

Dans le cas du chiot dont j’ai parlé tout à l’heure, il a passé le premier cours sur les genoux de son maitre, il observait les autres. A la fin de la séance il s’éloignait un peu pour ramasser les friandises mises à terre, mais il retournait rapidement à sa base de sécurité. A la fin de son deuxième cours, il a fait des appels au jeu vers ses congénères (bien sélectionnés et tenus en laisse). Je ne crois pas qu’on aurait pu avoir un tel progrès avec la méthode plus invasive. Pourquoi ?

Les chiens apprennent beaucoup plus et mieux de leur environnement si nous n’utilisons pas de friandises et donc ils peuvent se focaliser plus sur la situation elle-même. Je crois que pour un chiot peureux le plus important est de savoir comment les autres (chien et humains) se déplacent autour de lui. Les surprises sont les pires ennemis, et si le chiot suivait la friandise au lieu de faire attention aux autres, la situation peut devenir tout à coup très choquante.

En plus, avec le BAT le rôle du maitre est d’être la base sécurisante. Ils ne mettent plus de pression sur le chiot (car même avec une friandise, c’est tout de même de la pression) pour qu’il fasse quelque chose qu’il n’a pas envie de faire. Je crois qu’en faisant ça, ils deviennent beaucoup plus fiable du point de vue de leur chien. Finalement, en donnant la possibilité de contrôler la distance entre lui-même et l’objet de sa peur, le chiot développe de la confiance et il ne risque pas de déclencher des mécanismes secondaires pour se défendre (grogner, montrer les dents, etc.), car il a la possibilité de se mettre à l’abri simplement en partant. D’après mon expérience, un chien très gourmand, même sans laisse, peut rester dans une situation stressante s’il croit pouvoir obtenir à manger. En faisant ça il se retrouve dans des situations sociales beaucoup trop stressantes pour lui.

Comment pouvons-nous mettre en place ce type de travail à l’école de chiots ? En utilisant des barrières ! Dans notre centre nous avons des « stations » pour chaque individu avec une laisse élastique attachée à son harnais (donc pas d’arrêt et de correction brusque à la fin de la laisse) et avec des barrières transférables qui les séparent de leurs voisins. Nous pouvons fermer la « station » devant si nécessaire donc le chiot se trouve complètement enfermé.

Pour les chiots très timides en général je les laisse explorer sans laisse pendant que nous travaillons en laisse avec les autres. Si ça génère du stress pour les chiens attachés, nous les séparons avec des barrières où nous les mettons dans leurs stations. Les chiots plus réactifs sont soit à leur station enfermés, soit attachés mais en utilisant la bonne technique avec la laisse. Pendant les moments de liberté les chiots qui nécessitent une protection sont enfermés dans leurs stations, ils peuvent ainsi renifler leurs congénères à travers le grillage. Alternativement nous les mettons par deux avec un autre chiot de même tempérament ou un autre qui est hyper équilibré.

La question finale est comment choisir quel type de travail nous allons favoriser ? La réponse dépend énormément de l’environnement. Si je peux arranger l’environnement pour éviter que les chiots puissent aller partout, je choisi le BAT. Mais vu que la vie n’est pas du tout contrôlable, je vais quand même montrer comment faire ce travail avec l’autre méthode, la « je participe à fond et je suis heureux », spécialement quand nous travaillons aux obstacles ou pendant les habituations aux bruits. Comme Grisha l’a dit :

« La bonne socialisation dépend de la balance entre contrôler l’environnement et contrôler le chien. Si nous pouvons mettre le chien dans une situation de succès en modifiant l’environnement, nous devrions faire ça. Cette option va encourager le chien en le menant vers les conséquences réelles de ses propres comportements. Si nous contrôlons le chien, ça nous encourage nous, mais pas le chien. »

L’autre facteur à prendre en compte est notre propre expérience. Nous devons être capables d’estimer pour quel chiot il faut plutôt utiliser le BAT, et pour lequel c’est la technique plus intrusive qui sera la plus bénéfique. Comme je le disais, les deux techniques sont importantes. Ce qui compte c’est de savoir dans quelle situation il est plus sûr de laisser le chiot contrôler son comportement d’exploration. En utilisant l’analogie de Grisha avec l’océan : si vous arrivez à garder votre chiot sur la plage sans intervenir, faites ça ! Mais s’il y a un risque qu’il tombe dans l’eau, utilisez beaucoup de friandises et de techniques interactives

Encouragement Actif, POUR

  • Peut développer un lien très fort entre le maître et le chien
  • Résultats rapides! Le chiot explore toute la surface s’il est gourmand
  • Crée de l’excitation pour le prochain cours
  • Le maître apprend l’importance du « timing »
  • Aide à comprendre l’importance d’être proactive par rapport aux expériences sociales de notre chiot

Encouragement actif, CONTRE:

  • La confiance du chiot dépend de l’encouragement et de la présence du maître
  • Dépend énormément de la capacité du maître à utiliser en même temps la laisse, le clicker, la friandise, etc. et à donner la récompense au bon moment pour le comportement recherche
  • Risque élevé pour le chiot de se trouver dans des situations difficiles à gérer, pas assez de friandise, expérience traumatisante…
  • Les friandises et les jouets peuvent déclencher des comportements de protection de ressource ce qui est déconseillé pour les chiots déjà réactifs

Soutien type BAT, POUR:

  • La seule tâche du maître est d’apprendre le langage corporel de son chien et d’intervenir quand il voit les signes de stress-donc ils apprennent plus rapidement.
  • Le chiot a plus de contrôle sur son propre apprentissage, il s’approche et s’éloigne comme il veut
  • Le chiot apprend plus par rapport à son environnement sans les distractions de friandises et de jouets
  • Pas besoin de friandises, plus adapté aux chiots qui ne sont pas gourmands
  • Environnement plus relaxe pour le chiot et son maitre pendant l’apprentissage
  • Comportement plus naturel, récompense par l’environnement

Soutien type BAT, CONTRE:

  • Le maitre peut se sentir inutile car il ne fait rien, il est facilement distrait
  • Succès dépend de la possibilité de changer l’environnement pour éviter les mauvaises surprises

Carly LOYER donne des séminaires de la technique BAT.

Grisha STEWART :

Educatrice professionnelle de chiens, diplômée de CPDT-KA. Elle a développé la technique BAT, elle est dirigeante du centres d’éducation « Ahimsa Dog Training » (Seattle) et « Empowered Animals » (Alaska).

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